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Durazzo et Tavera

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Durazzo et Tavera Empty Durazzo et Tavera

Message  François Durazzo Jeu 20 Mar - 18:05

Chers amis,
Savez-vous d'où vient la famille Tavera d'Ajaccio et de Tavera, dont plusieurs filles se marièrent à des Durazzo de Campomoro ?

Plusieurs Tavera ont épousé des familles sartenaises et campomoraises, dont trois Durazzo de Campomoro : Hector, Jean et son fils Michel, de la branche du château.

Hector François Noël Durazzo (né en 1859 à Campomoro et mort le 19 avril 1920), conseiller général arèniste de Sartène, maire de Campomoro de 1888 à 1892, date à laquelle lui succède Don Jacques Léonard Durazzo. Il épouse en 1887, Palma Marie Tavera, décédée en 1900, en donnant naissance à Paul son onzième enfant.

Jean-Paul Durazzo, frère d'Hector, est né en 1862 à Sartène, il épouse Barberine Tavera. Qui est aussi la sœur de la femme d’Hector (Deux frères épousent deux sœurs).

Le deuxième enfant de Jean-Paul se nomme François-Michel (dit Michelottu), né en 1895 à Sartène, et marié à Cécile Tavera, sa cousine. Il est le père d’Hélène.

Voici l'histoire de cette famille :

Une famille juive de Toro dans la province de Zamora.

La ville de Toro, près de Zamora, en Espagne, voit prospérer au Moyen-âge une famille juive, les Tavera (le v se pronom b).

Ils sont médecins, rabbins et commerçants. La prospérité de cette famille d’érudits est menacée durant tout le XIVe siècle et elle devra soit quitter l’Espagne, soit se convertir, et, parfois, elle quitte l’Espagne après s’être convertie.

Dispersion des Tavera

Certaines familles marranes (juifs convertis) feront souche en Amérique du Sud où l’on trouve des Tavera ou Tabera dans de nombreux pays (Mexique, Colombie, Chili, Argentine).
D’autres cherchent d’abord leur salut en tentant de rejoindre les communautés juives florissantes de la méditerranée. En effet, dès les premières lois anti-juives et bien avant l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492, qui occasionnera le départ de plus 150 000 juifs, certaines familles notamment originaires de Majorque, d’Occitanie et de Provence répondent à l’appel de Pierre IV d’Aragon, dit le Cérémonieux, qui souhaite repeupler la ville sarde Alghero, prise en aux Génois en 1353. Une famille Tavera originaire de Toro s’y installe. En 1492, les juifs d’Alghero, comme ceux d’Espagne, sont obligés encore une fois de partir ou de se convertir. Les Tavera se convertissent comme ceux restés à Toro en Espagne, de sorte qu’aujourd’hui ce nom est encore porté par près de 200 personnes en Sardaigne. On compte aussi une variante de ce nom sous la forme Taveri.

Les Tavera restés en Espagne :

Les Tavera restés en Espagne se convertissent au catholicisme au début du XVe siècle, sous la pression des lois anti-juives. La famille Deza, alliée aux Tavera, se convertira plus tard. Diego Deza de Tavera est donc le fils d’un Tavera et d’une Deza née juive et convertie au catholicisme. Deux grandes figures de cette famille se détachent.

Diego Deza de Tavera (Toro, 1444-1523), est un dominicain, professeur de théologie à l'Université de Salamanque, nommé en 1486 au poste de précepteur des infants Juan et Isabelle, plus tard la reine Isabelle la Catholique. Il devient évêque de Palencia, le restera jusqu'en janvier 1505 (avant d'être promu archevêque de Séville, puis, à la mort de Torquemada, Inquisiteur Général). La reine Isabelle venait tout juste de mourir quand, le 1er décembre 1504, de Séville, Christophe Colomb écrivit à son fils Diego – qui en ces heures sombres défendait les intérêts très menacés de l'Amiral, lui recommandant d'aller chercher de l'aide auprès de l'évêque de Palencia précisément. Il pouvait compter sur lui, dont la confiance s'était maintenue depuis ce jour de 1486 où son aide financière l'avait tiré d'embarras (Deza, qui avait succédé à Torquemada en 1498, fut lui-même accusé de accusé de prévarication et pratiquer secrètement les rites juifs. Sa famille est poursuivie avec d’autres convertis).

Juan Pardo de Tavera (Toro, 1472, Toledo, 1545), neveu du précédent, placé comme page à la cour de Jean II, dont son oncle a été le précepteur. Il devient archevêque de Toledo en 1539.

Quelques notes sur les Tavera de Corse :

Au XVIe siècle, d’où viennent les premiers Tavera corses, d’Espagne, d’Alghero ou de Gênes ?

Le premier Tavera corse s’appelle Juan Antonio Pagano, nobile Tavera. Il porte encore un nom espagnol. Il arrive (chassé d’Alghero ? après un passage à Gênes) à Ajaccio après 1492 et avant 1518).

Le plus célèbre des Tavera corses de cette époque est Pietro Paolo Tavera (fils du précédent ?), né en 1518, enlevé, emmené à Istanbul en 1523 à l’âge de cinq ans, converti à l’Islam. Il devient Dey d’Alger sous le nom d’Hassan Corso.

En 1553, un Giocante Tavera est l’un des chefs de la garnison d’Ajaccio.

Cette famille s'installe assez tôt dans la montagne à 800m, dans un endroit nommé Tavera Vecchia. À cet endroit subsistait une vieille église romane datant du VIIe siècle non loin du village actuel de Bocognano. Puis cette famille, avec ses serviteurs, descend au XVIIe siècle dans la vallée et fonde Tavera. Ils construisent en 1622 une grande maison appelée Casalta. Une autre maison, érigée plus tard, porte le nom de Casanova.

Ils s’enrichissent par le commerce et on trouve des Tavera mariés aux Bonaparte et Pozzo di Borgo.

Grazioso Tavera (circa 1609, +?) épouse à Ajaccio le 7.11.1629, Giacominetta Buonaparte dont il aura une fille Marie-Madeleine Tavera mariée à Hercule Pozzo di Borgo.

Au XVIIIe siècle, (en1732 ?), Ils sont exemptés de taille et sont benemeriti.

Au XIXe siècle, certains Tavera se font appeler De Tavera.


Dernière édition par François Durazzo le Dim 30 Mar - 13:53, édité 1 fois

François Durazzo

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Durazzo et Tavera Empty Migrations : des Tavera aux Bradi

Message  Ghjattonu Jeu 20 Mar - 19:50

O Francè,
Je n'ai pas pipé mot, quand vous m'avez repris un peu vertement à propos de mes élucubrations étymologiques sur le nom des Bradi et vous m'avez convaincu de l'étymologie de Bradi qu'on doit faire dériver du latin Pratum. Soit! A l'avenir, je vous prie de ménager un peu plus mes cheveux blancs, car je pourrais être votre père.

J'observe par ailleurs, et vous le reconnaissez vous-mêmes, que vous n'avez pas pu établir de lien entre les trois frères Del Brado de Sartène et le village di Prato, au sud de Corte, que vous semblez confondre avec le col de Prato qui se trouve en Castagniccia. Je serai plus indulgent que vous, je vous pardonne cette erreur.

Vous mettez l'accent sur les migrations de juifs (convertis ou non) entre leur expulsion d'Espagne et de Sardaigne, aux mains des Aragonais, en 1492 et le début du XVIe siècle. C'est très intéressant! Et il faudrait essayer de comprendre ces mouvements.
Je relève que Sartène est fondée en 1507, et Nicurosu nous rappelle avec justesse, puisque j'ai eu accès aux mêmes archives , que la population de Sartène est composée d'habitants de villages proches mais aussi de Génois, artisans, commerçant, soldats, et il pense en partant de l'analyse de préposition "del" qui me semble pertinente, que ce del Brado est un nom ligure. Qui sont ces Génois que l'on nous envoie peupler notre ville, des artisans, des commerçants dont certains sont juifs?

Alors, je vous pose la question: vo chì seti più struitu chè mè, sachant que les villes d'italie sont littéralement débordées des les années 1490 par l'arrivée de plus de 100 000 juifs, qui se dirigent vers l'Orient et dont une bonne partie s'installera dans l'Empire Ottoman, il est tout à fait vraisemblable que Gënes ait envoyé en Corse, en leur promettant des terres, les Tavera, certes, mais aussi d'autres familles. Pourquoi les "Del Brado" ne seraient pas l'une d'elles ?

Je sais par ailleurs par mes lectures philosophiques que le nom espagnol "Del Prado" ou "De Prado" (souvenez-vous que j'avais émis cette hypothèse parmi d'autres plus fantaisistes) est un nom porté par plusieurs familles de juifs marranes (voir le fameux Juan de Prado, ami de Spinoza).

Ajoutons à cela, que les juifs ne se déplacent pas seuls, en principe. Quand ils émigrent, ils ont deux réflexes: rejoindre une communauté existante, le cas échéant en créer une, quand on les y invite, et partir en groupe.
Les Juifs d'Alghero, chassés en 1492, rejoignirent l'Italie, et comme une partie de la communauté était d'origine génoise, ils allèrent à Gènes. Votre ancêtre Tavera passa donc très probablement à Gênes avant d'être envoyé en Corse avec d'autres familles. Pourquoi pas avec une famille Del Prado? Ce qui m'y fait penser, c'est que lorsque j'ai voyagé en sardaigne, j'ai rencontré un Bradi, qui m'a dit être parent des Bradi sartenais. J'ai cru que, comme beaucoup de Corses s'étaient réfugiés en Sardaigne, les Bradi sardes étaient d'origine corse, et c'est ce que j'ai affirmé de bonne foi. Mais si ces Bradi corses étaient comme les Tavera passés par la Sardaigne, et avaient suivi la même route : Espagne > Sardaigne > Gênes > Corse ?

Je suis impatient d'avoir l'avis de Nicurosu sur la question et vais me plonger dans quelques ouvrages sur l'histoire de Gênes au tournant du XVIe sicèle pour tenter de percer ce mystère.

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Durazzo et Tavera Empty Tavera et Bradi

Message  François Durazzo Ven 21 Mar - 11:59

Cher Ghjattonu,
Je vois que vous cédez encore à votre goût des extrapolations, certes avec beaucoup d'intelligence. Si pour les Tavera, nous avions bien l'assurance qu'ils descendent d'un Espagnol, en revanche, nous ne savons rien, il me semble, sur les frères "del Brado" sartenais au-delà de leur présence attestée lors de la razzia de Sartène. Je n'ai pas sous la main l'Armorial de la Corse, mais je sais qu'un article leur y est consacré. Je ne suis pas en Corse et ne l'ai pas à ma disposition, mais vous-mêmes vous aurez tout loisir de le consulter, si vous allez à la Bibliothèque d'Ajaccio. Vous pourrez aussi y lire l'article sur les Tavera.
Amicizia,
François

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Durazzo et Tavera Empty Site sur Tavera

Message  Admin Sam 22 Mar - 14:30

François Durazzo a écrit:Cher Ghjattonu,
Je vois que vous cédez encore à votre goût des extrapolations, certes avec beaucoup d'intelligence. Si pour les Tavera, nous avions bien l'assurance qu'ils descendent d'un Espagnol, en revanche, nous ne savons rien, il me semble, sur les frères "del Brado" sartenais au-delà de leur présence attestée lors de la razzia de Sartène. Je n'ai pas sous la main l'Armorial de la Corse, mais je sais qu'un article leur y est consacré. Je ne suis pas en Corse et ne l'ai pas à ma disposition, mais vous-mêmes vous aurez tout loisir de le consulter, si vous allez à la Bibliothèque d'Ajaccio. Vous pourrez aussi y lire l'article sur les Tavera.
Amicizia,
François

Bonjour François, Ghjattonu, bonjour à tous,

Voici un lien qui confirme les éléments apportés par François :

Lien sur Tavera
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Durazzo et Tavera Empty De ce que l'errance a d'enrichissant.

Message  nicurosu Dim 23 Mar - 1:20

Cher Ghjattonu,
Je vais vous décevoir: pour ce qui est de la généalogie, je me limite aux lignages du village, en débordant inévitablement sur Fozza et Sartène. Je n'ai donc retenu des Tavera que ce qui est postérieur à leur venue à Sartène, d'Ajaccio ou de Tavera. Les frères Tavera se révèlent dans le premier quart de siècle, à Sartène, comme des commerçants particulièrement dynamiques, investissant leurs bénéfices dans l'immobilier: ils se retrouvent assez tôt propriétaires de tout un quartier de la Vieille Ville dont une rue portera d'ailleurs le nom de l'un des leurs. C'est dans ce quartier qu'une maison, aujourd'hui mal en point, porte le nom ... d'Hassan Pacha!
Je savais le minimum sur l'origine du village de Tavera. François Durazzo nous a gratifiés d'un cours magistral, très convaincant. J'ajouterai seulement le rapprochement entre Tavera >< Tabera et Talavo >< Talabo (à piocher).
Y a-t-il encore trace chez les supposés descendants des Marranes de la riche culture de cette communauté condamnée à l'errance comme le furent les ... Talavais?

Vous avez raison de dire que la réponse à nos questions est dans les archives génoises.
Pour citer quelques événements qui ont marqué Sartène:
- Gênes s'est-elle trouvée autour de 1500 en concurrence avec l'Aragon auquel la légende attribue la création de Sartène (cf ce qui se dit du Catinacciu)?
- En 1545, le célèbre Dragut razziait Sartène: 15 victimes et 130 captifs.
- En 1550, le Levantino établissait le projet de fortification.
- En 1562, Sartène devenait le siège de la lieutenance génoise pour la juridiction de la Rocca.
Se peut-il qu'il n'y ait à Gênes aucun document sur ces faits, avec mention des noms des Sartenais concernés ou en relation avec les représentants sur place de la République, surtout du temps de la lieutenance?
Le département Histoire de l'Université de Corté s'intéresse-t-il à ce type de recheche? On n'en a pas l'écho sur son site.
Tant que cette ressource ne sera pas exploitée à fond, on en sera réduit aux approximations.
Bon caccaveddu!
Nicurosu

nicurosu

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Durazzo et Tavera Empty Les Juifs en Corse

Message  François Durazzo Dim 23 Mar - 18:45

Bonjour à tous,
Voici une tentative de réponse aux questions posées :

Comme chacun le sait, il n’y a de communauté juive en Corse que depuis le XXe siècle. Il y a a Bastia une petite communauté, arrivé au début du siècle de Turquie. Cette communauté a été renforcée par quelques familles venues d’Algérie.

Au XVe siècle on voit pourtant arriver dans les villes à forte composante génoise ; Calvi, Bonifacio, Bastia, Ajaccio un certain nombre de marchands et d’artisans, certains d’entre eux sont des marranes

nicurosu a écrit:Cher Ghjattonu,
1) le rapprochement entre Tavera >< Tabera et Talavo >< Talabo (à piocher).
2) Y a-t-il encore trace chez les supposés descendants des Marranes de la riche culture de cette communauté condamnée à l'errance comme le furent les ... Talavais?
3) Gênes s'est-elle trouvée autour de 1500 en concurrence avec l'Aragon auquel la légende attribue la création de Sartène (cf ce qui se dit du Catinacciu)?

Cher Nicurosu,
1) Je ne crois pas qu'il y ait de rapport étymologique entre Talab / Talabo / Talano / Taravo et nos Tavera.
La seule chose que l'on puisse assurer est que Tavera et Talabo sont deux mots d'origine sémitique : Tavera vient de l'hébreu, Talabo, vient de l'arabe ou du phénicien, j'y reviendrai dans la rubrique prévue à cet effet.
Le passage du v au b ou du b au v est banal aussi bien dans les langues romanes que dans les langues sémitiques. En hébreu, la lettre beth se prononce b ou v selon les cas. En espagnol la lettre v encore prononcée v au 15e siècle finira par se prononcer b.

2) Le problème posé par les juifs convertis, appelés marranes ou crypto-juifs, chaque fois qu'ils continuaient de pratiquer en secret leur religion, est complexe.
Ce que nous savons, c'est que tout au long de leurs relations avec les Chrétiens, les juifs ont subi des pressions plus ou moins fortes suivant les époques pour qu'ils se convertissent. Leur coexistence pacifique, avec les Arabes dans la péninsule ibérique, de tout temps plus tolérants que les Chrétiens, correspond à leur âge d'or, notamment du Xe au XIIIe siècle, les choses se compliquant par la suite de manière sporadique : massacres, conversions forcées, restrictions diverses, impôts spéciaux. Les convertis s'en sortent mieux que les autres. Ce sont eux qui vont être à la point du développement des relations commerciales entre l'Espagne et l'Italie. Les Catalans-Aragonais, dont le pouvoir s'étend sur la Sardaigne et la Corse, sur Naples et la Sicile, et même sur Gênes, qui continue néanmoins de jouir d'une certaine liberté, utilisent les juifs, les déplacent pour peupler tel ou tel ville comme c'est le cas d'Alghero en Sardaigne. A Gênes, l'Office ou la Banque de Saint-Georges, qui devient propriétaire de la Corse est dominée en partie par des juifs convertis. Cherchant à valoriser la Corse, ils y envoient certes des génois d'origine, mais aussi un certain nombre de ces convertis qu'ils installent dans les villes portuaires comme Bonifacio, Calvi (les Colombo), Ajaccio (les Tavera) et Sartène.

Ces Génois, en s'installant en corse ne sont plus des crypto-juifs, mais des chrétiens à part entière : ils sont médecins, commerçants, hommes de loi, et ils vont considérablement développer les échanges entre la Corse et le Continent. En reconnaissance de leurs services, ils sont tenus pour nobili, et ils ne tardent pas à s'intégrer aux familles issues de la noblesse autochtone, qui descend de la famille de la Rocca. Ces génois, dont évidemment tous ne descendent pas tous de familles juives, sont des éléments particulièrement dynamiques. On assiste ainsi à la création d'une nouvelle noblesse issue de l'alliance entre ces deux mondes.

Si l'ancêtre des Tavera est bien un juif espagnol converti, pour les autres familles génoises, c'est beaucoup plus compliqué. Les Génois savent les Corses, contrairement aux Sardes, hostiles à recevoir des communautés d'origine juive. Ces nouveaux chrétiens se déplacent souvent avec de faux papiers, ont changé de nom, ils ont des armoiries, comme la plupart des familles espagnoles, nobles ou non. De plus, les prêtres ne sont pas tenus à cette époque de tenir des registres d'état civil. D’où les querelles sur le lieu de naissance de Christophe Colomb dont on pense aujourd'hui que c'était un Génois, d'origine judéo-espagnole, né à Calvi en 1450.

Certes il ne faudrait pas conclure trop vite sur l'identité de tel ou tel nom. Cette question n'a pas été étudiée suffisamment. Mais il faut accepter l'idée que comme la noblesse espagnole ou la noblesse génoise, les familles grandes familles Corses comptent nécessairement quelques ancêtres issus de ces familles espagnoles.

2) Dans la mesure où ces convertis se sont fondus dans la population et assez vite assimilés, il est très difficile de repérer leur apport à notre culture.

– Il se traduit de manière très partielle, dans la cuisine :
Le Pan di Spagna (gâteau aux oeufs) que l'on cuisait autrefois dans nos campagnes corses à l'occasion des communions est le Pan de España que l'on mange encore aujourd'hui à Pâques, dans les communautés judéo-espagnoles de Bulgarie, Grèce ou Turquie. Comme son nom l'indique, il nous vient d'Espagne.
Le caccaveddu est aussi un gâteau de Pâques juif, bien connu au Moyen âge, et encore vivace sous le nom de culeca chez les Chrétiens d'Espagne aujourd’hui. Il y a probablement quelques autres recettes difficilement identifiables que nous leur devons.

– Sur le plan linguistique, leur apport n'est pas quantifiable, car les éléments qui pourraient nous venir de la langue espagnole, se retrouvent aussi dans certaines régions d'Italie. La seule chose que l'on a pu établir c'est l'évidente origine juive de certains dictons, présents encore aujourd’hui dans le monde judéo-espagnol d'Orient coupé de l'Espagne depuis un demi-millénaire. Il s'agit de proverbes qui ne ressemblent en rien à des proverbes italiens. J'en donnerai un jour, quand j'aurai le temps, quelques exemples dans la partie réservée à la langue.

– Sur le plan religieux, les convertis espagnols, souvent très pieux et membres du clergé, apportent avec eux leurs rites religieux : Le catinacciu de Sartène ou de Bisinchi, mais aussi les différents vêtements des pénitents de différentes confraternitès en témoignent.

3) On ne sait pas grand-chose sur la création de Sartène,
1507, au lieu-dit U Pitraghju, l’amiral génois Doria, après sa victoire sur Rinuccio della Rocca, fonde Sartène, en lui donnant le nom d’un lieu-dit de même origine étrusque que le nom Sardaigne ;
1520, on élève des fortifications à Sartène. A cette époque l’entrée de la ville se fait par la Place Porta sous la loggia,
1530, est créée la Cumpagnia del santissimo sacramento qui institue le Catinacciu.
Le rite d’inspiration espagnole fait naître la légende fantaisiste de la fondation de Sartène par des Aragonais.
1540, les onze villes de la région ont été pratiquement toutes abandonnées à causes des invasions barbaresques et les habitants s’étaient réfugiés dans Sartène.
1565, Prise de Sartène par Sampiero.
1583, razzia turque.
1630, création du Borgu, que viennent habiter des Talavesi.

Joyeuses Pâques à tous,
François

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Durazzo et Tavera Empty En terre sartenaise, par delà 1500

Message  nicurosu Lun 24 Mar - 13:45

Bona Mirenda a tutti e a u Caru Francescu Micheli,

A propos des implantations de communautés juives en Corse, on peut aussi évoquer les tentatives de notre Roi Théodore, puis celles de Pascal Paoli. L'un et l'autre y voyaient un moyen de dynamiser le commerce insulaire.

C'était, non l'alternance connue V/B, mais la "proximité" phonétique de Tavera><Tabera et Talavo><Talabo que je voulais signaler: ils seraient donc tous deux d'origine sémitique.

La question sur l'éventuelle trace de la culture marrane n'était qu'un prétexte (la réponse était évidente) pour donner consistance au titre de mon message ("De ce que l'errance a d'enrichissant"), en osant le parallèle avec l'errance des Talavais. Pas aussi osé qu'on pourrait le penser: le Talavais aussi ont été accusés de tous les péchés d'Israel. Sans remonter plus loin, dès le XVIe siècle, c'est attesté par divers documents, des territoires entiers leurs sont interdits par sanction collective de délits individuels, notamment. Et pourtant, qui pourrait nier la part décisive qu'ils ont prise dans la valorisation des deux grandes vallées sartenaises et de l'arrière-pays de Tizzano, Conca et des marines du Vallinco?

L'éclairage que vous donnez ou que vous annoncez sur l'apport culturel de l'Espagne est des plus intéressants. Il faudrait pouvoir aussi évaluer ce qu'ont pu être de ce point de vue les conséquences de l'empathie des seigneurs de la Rocca pour l'Aragon, laquelle perdura, à quelques éclipses près, du milieu du XIIe siècle au début du XVIe. On pourrait penser, entre autres, à la Tête de Maure ...

Par votre silence, vous paraîssez en accord avec mon propos sur l'état de la recherche actuelle sur les archives génoises concernant le Moyen-Âge.
Je ne fais pas de l'an 1500 un date butoir pour Sartène. L'entité est reconnue depuis les années 1200, du moins par la tradition orale que rapporte Giovanni di la Grossa, premier chroniqueur insulaire.
Cela remonte au temps du premier Comte de Corse, Giudici di la Rocca: il parle de la bonda di Sarteni.
Pour un temps dont son père, notable de ou lui-même sont acteurs, il cite:
- vers 1350, époque de a Ghjuvanara, Goglermo di Laitalà (Urtolu) maître de Sarteni e Bisoggie;
- en 1410, du temps du Comte Vincentellu d'Istria, qu'il a servi, Rinucciu di Laitalà est signalé dans sa seignerie de Sarteni e Bisoggie;
- en 1418, un Risturcellu s'empare de Sarteni;
- en 1452, Giudici, fils du Comte de Corse Polo di la Rocca, le 4e, s'nstalle à Sartène où il fece una bella tora e bello casamanto a San Damiano di Sarteni; Giudici est le père de Rinucciu, le dernier seigneur de la Rocca qui, lui, s'installa à Santa Lucia où il fonda le couvent de Saint-François.

Giovanni, notaire formé à Bonifacio puis à Naples, était lieutenant et commissaire du gouverneur génois. Acteur et témoin privilégié de son temps, il nous donne une vue de l'intérieur que des historiens professionnels, dont notre voisin Antoine Tramoni de Grossa, réévaluent depuis quelques décennies.
Je ne citerai aujourd'hui qu'un détail: il cite u fiuminale di Rizanesi, lui qui a vécu de 1388 à 1464, alors que les cartes ignorent ce toponyme jusqu'n 1790 au moins. La 1re qui le cite, en 1738, fait mention du Pont di Rizanesi, sur la rivière Valinco. D'où les incertitudes liées à ces documents ...
Cette approche de l'intérieur m'amènera à revenir sur le patronyme Bradi ultérieurement et à ... me contredire: mea culpa!
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Durazzo et Tavera Empty Fondation de Sartène

Message  Ghjattonu Lun 24 Mar - 14:24

Cher Nicurosu,
François-Michel Durazzo en citant la date de la fondation de Sartène faisait référence à la Sartène comme Cità ghjinuvesa, ce qui suppose à cette époque pour Gênes, un double effort : l'envoi d'hommes et de moyens, qui aboutiront à la construction des remparts dans les années 20. Il y a auparavant très certainement un lieu appelé Sartène, prabablement une tour ou un château, qui contrôle la vallée.
Je viens de commencer à faire quelques recherches sur la question des juifs de Gênes pour étayer ces dires.
En fait, on ne peut pas parler d'une présence juive en Corse à proprement parler, mais plutôt de "nouveaux chrétiens", juifs convertis parfois depuis de le XIIIe siècle, florissants à Gênes, qui s'installent dans les villes portuaires de Corse, et se fondent vite dans la population, apparemment les Tavera seraient de ceux-là. Je viens d'identifier quelques noms de famille, que je vais vérifier à la BN, lors de mon prochain voyage à Paris.
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Durazzo et Tavera Empty Retour sur l'étymologie du nom Tavera

Message  François Durazzo Dim 30 Mar - 14:32

Bonjour,
Dans un message précédent, j'avais un trop rapidement ajouté fois à l'interprétation qui m'avait été donnée du ptaronyme de Tavera, en disant "Ils ont pour nom un toponyme biblique : Tabéera - Taberah - Tabarah (הרעבת) qui signifie « embrasement »"
Alerté par Nicurosu qui pose la question de l'étymologie de Talavo, j'ai entrepris de nouvelels recherches et confirme ce point : Tavera et Talavo ont bien en commun une origine sémitique :
En ce qui concerce Talabo / Taravu, elle nous serait venue le phénicien.
En ce qui concerne Tavera, par un lieu arabo-andalou. En effet, la famille juive de la ville de Toro, nommée Tavera, serait originaire d'une ville un peu plus au sud de Toro, nommée aujourd'hui Tabera. L'homonymie avec Tabéera est donc fortuite et je vous fais mes excuses.

Voici les différentes dérivations de la racine Tal :

0.Tal (arabe) / Tel (hébreu) : colline, sommet
0.1 Talora (Hydronyme italien)
0.2 Talori (Hydronyme ibère)
0.3 Taloria (Hydronyme ligure)
0.4 Tel Aviv « Colline du printemps » (toponyme hébreu)
1. Talab (Hydronyme corse, sens : lac?)
1.1. Talabo (Hydronyme corse)
1.1.2 Talavo (Hydronyme corse)
1.1.2.1Talavu (Hydronyme corse)
1.1.2.2Talavi (Hydronyme sarde)
1.1.2.3Talava (Hydronyme sarde)
1.1.3. Taravo (Hydronyme corse)
1.1.3.1Taravu (Hydronyme corse)
1.2. Talavan (Hydronyme espagnol)
1.3. Talabira (toponyme arabo-andalou)
1.3.1Talabera
1.3.2Talavera (toponyme espagnol)
1.3.2.1 Talbera
1.3.2.1.1 Tabera (toponyme espagnol)
1.3.2.1.1.1 Tavera (patronyme espagnol)
1.3.2.1.1.2 Taveira (toponyme portugais)
1.3.2.1.2 Tabar (Toponyme espagnol)
1.3.2.1.2.1 Tabara
1.3.2.1.2.1.1Tabares (Toponyme espagnol)
1.3.2.2 Talavare
1.3.2.2.1Talavares (toponyme portugais)
1.3.2.2.2Tavares (toponyme portugais)
1.3.2.3 Talaverna (toponyme occitan)
1.3.2.3.1Talaverne (toponyme français)
1.4. Talabriga (toponyme portugais)

Signalons tout de même que le mot talatium, serait selon Pline un mot d'origien gauloise : talo signifiant front qui a donné : talus (français), talauf (allemand)

La question est donc de savoir si le patronyme galloromain et celtibère : Talavus / Taravus est à rattacher au mot talo ou à au toponyme phénicien talab.

François Durazzo

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Durazzo et Tavera Empty Nous sommes tous des Ibères ...

Message  nicurosu Dim 30 Mar - 23:31

Bonsoir,

Impresionnante liste des dérivés de TAL!

J'y ajoute, me guidant seulement à l'oreille:

TALABUCCIU/TARABUCCIU (asphodèle) qui se dit TARABUCCIULU en gallurais et TALAVELLU dans le Cismonti.

Je reviens à TAVERA et toujours à l'oreille, je le rapproche de TAVARIA, un topo qui compte tant pour nous.

La "parenté" apparente avec des termes d'Ibérie, ne renverrait-elle pas aux temps lointains de la présence ibère dans l'île, que nombre de préhistoriens et d'historiens pensent antérieure à celle des Ligures.
Pour certains, elle remonterait à 3500 ans avant notre ere (le mégalithisme); pour d'autres, à seulement 1500 ans. Sénèque relevait une influence cantabre dans le parler des Corses qu'il a fréquentés, et peu appréciés, durant son exil dans l'île.

L'influence de l'Ibère serait surtout sensible autour de la vallée du Taravu, de Bastelica à Sartène!

ARAVU (u casteddu) viendrait du basque ARRA (pierre).

ECCICA, du basque ETCHE déjà mentionné par François-Michel.

SUDDACARO, ZICAVU, ZIRUBIA, entre autres, seraient d'origine ibère!

Qu'en pense notre cher hispanisant?

Nicurosu

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Durazzo et Tavera Empty Re: Durazzo et Tavera

Message  François Durazzo Mar 1 Avr - 0:10

Cher Nicurosu,
Merci de nous rappeler tous ces toponymes,
Le premier problème qui se pose est que peu d'entre les spécialistes connaissant assez la phonétique historique de ces différents domaines pour pouvoir prétendre avoir trouvé des solutions définitives, dans des domaines ou les traces (archéologiques et littéraires) sont très faibles. Moi-même je suis loin, très loin de pouvoir vous éclairer. Je dispose seulement de quelques éléments et de méthodes afin de contribuer modestement à une discussion entre amis, sans prétention scientifique et sans cuistrerie.

Je vous livre ainsi mes réflexions que je vous prie de ne pas prendre pour argent comptant:

On a beaucoup glosé sur le prétendu substrat cantabre pour expliquer les mots du corse que nous avons du mal à rattacher au latin. Les indications de Sénèque méritent en effet d'être mises à l'épreuve, car c'est le seul témoignage de l'antiquité qui fasse allusion à la langue parlée en Corse.

Le basque, parlé jusqu'à l'ère chrétienne de Bordeaux, jusqu'à l'actuelle province de Soria en Castille, était l'un des langues ibériques aujourd'hui disparues. La première difficulté serait déjà de pouvoir imaginer le basque des origines pour le relier aux mots corses posant problème, ce qui n'est pas facile. L'interprétation de Sénèque se heurte donc à deux difficultés :

1) L'un des éléments les plus stables dans l'évolution des langues est la place de l'accent tonique. Or, chaque fois qu'on tente de relier un mot corse à un mot basque on rencontre un déplacement tonique.
Exemple qui pourrait être séduisant : ghjàcaru se dit en basque txacùra.

2) L'archéologie, les textes ne nous signalent pas de présence cantabre.

Il y a quelques mois, j'étais invité à Bilbao dans le cadre d'un échange d'écrivains et de linguistes corses basques. Lors d'une réunion, j'ai évoqué la question avec un spécialiste du substrat ibéro-basque en espagnol, et aucun rapport établi entre deux mots tels que vous les citez n'a semblé probant.

En revanche, la présence des Carthaginois qui parlent le phénicien, une langue de la même famille que l'arabe est bien attestée. Quand on relie des mots arabes et des mots corses, on ne rencontre pas de problème de déplacement d'accent tonique et cela fonctionne plutôt bien :

Àravu < arabe : arab
Zirùbia < arabe : zir-aràbiya : vase / chaudron de terre cuite - arabe.
Zìcavu < arabe : sìkkah (voir l'italien et le corse : zecca < sikkah : monnaie)

N'oublions pas que bien des mots, non identifiés comme venant du latin, viennent probablement malgré tout du latin.

Cela me semble incontestable pour Sollacaro, dont le préfixe est sans doute le sub latin :
Suddacaro <latin sullacarum <sub-lacarum < sub+lacus + arus ou /lacerus.

Quant à Eccica on peut peut-être l'expliquer ainsi :
Eccica < Ecce + qua : Voici ce lieu.

Bonne nuit

François Durazzo

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Durazzo et Tavera Empty Prudence est mère de ...

Message  nicurosu Jeu 3 Avr - 22:40

Cher François-Michel,

La réponse de l'Hispanisant est éclairante: Les affirmations que j'avais citées, au conditionnel, étaient tirées d'un livre des années 1900. Les dimensions historique et phonologique en étaient manifestement absentes. Le basque d'avant la romanisation ayant disparu, comme vous dites, se référer au basque d'aujourd'hui est pour le moins hasardeux. Quant aux affirmations tranchantes telles "Suddacaro, Zicavu, ... sont d'origine ibère", elles ne relèvent que de l'argument d'autorité; était d'ailleurs aussi cité Urbalacone!
Il faut se faire une raison:
il n'est déjà pas simple de pointer l'apport linguistique de la romanisation (sept siècles) et de la toscanisation, par Gênes, y compris ( plus de six siècles).
Pour le temps d'avant, en se limitant au Bronze moyen (1500 ans avt J.-C.), période où la présence humaine est attestée à Capu di Locu, on sait que les Africains du Nord (Libyens, Carthaginois, ...) sont très présents en Méditerranée occidentale, avec les Phéniciens.
Ces derniers, qui ont fondé Carthage, y sont très actifs en Sardaigne et, surtout, en Espagne où ils s'intéressent aux mines argentifères. Ils ne déclineront qu'avec l'entrée en scène des Phocéens (Alalia:- 565). Autour de 1840, on avait mis au jour à Propriano, une inscription en phénicien (1re langue alphabétique!); elle avait disparu à la fin du siècle ... Cela nous renvoie, soit dit en passant, à San Ghjuvan di Bisughjè!
Il y a accord pour dire que ces peuples de la mer ne se sont jamais intéressés qu'à la frange littorale de l'île: leur empreinte n'a pu être que limitée, du moins dans l'espace.
Tout cela pour dire qu'on ne peut espérer aller loin dans nos cogitations linguistiques sur ce qui relève d'avant la romanisation, qui débute en 259 avt J.-C., en ce qui concerne les toponymes. En revanche, pour les patronymes, sauf à conjecturer sur les homonymies, nul besoin de remonter aux calendes, puisque, dans l'île, on nabandonne le recours à la formule "X, fils de Y" pour un nom de famille, qu'autour de 1750.
Nicurosu

P.S:
J'avais rapproché Talabucciu/Tarabucciu (le rhotacisme, ô Ghjatto!) de Talavu/Taravu:
je viens de lire sous la plume de Mme Dalbera-Stefanaggi que ce Talabucciu/Tarabucciu - comme ghjacaru, d'ailleurs - appartiendrait au substrat prélatin. Phénicien lui aussi?



[u]

nicurosu

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Durazzo et Tavera Empty Etymologie de Ghjacaru

Message  François Durazzo Ven 4 Avr - 1:30

Cher Nicurosu,
Je suis décidément plus adepte des origines sémitiques et phéniciennes qu'ibériques. Il faudrait aussi pouvoir connaître la langue des étrusques, encore un domaine méconnu.
Pour ce qui est de Ghjacaru, j'ai une piste qui vaut bien les intuitions de notre cher ghjattonu, le mot chacal qui nous vient d'orient (on le trouve en persan sous la forme "shagal" : chien sauvage) pourrait avoir été amené par les Carthaginois. L'accent tonique est déjà sur l'initiale comme en corse.

Voici comment je vois l'évolution :

giàcal palatisation par assimilation sur les mots venant du latin "iac" :
giàcalum par assimilation sur les mots latins en -um :
ghjàcalu
ghjàgalu par sonorisation du c intervocalique :
ghjàgaru par rhotacisme du l intervocalique :


Cependant, je ne crois pas qu'il faille renoncer à découvir l'origine latine de notre vocabulaire et à chercher systématiquement dans un substrat pré-latin. L'autre solution à envisager du latin et qui n'a jamais été évoquée serait celle-ci :

Extrait du dictionnaire latin de Félix Gaffiot :

Jàcere = jeter (à ne pas confondre avec jacère : être couché, gésir)
Jaculare = jeter un javelot
Jaculàtor = lanceur de javelot, chasseur
Jàculum,i, n = javelot
Jàculus, a, um : qu’on jette, qu’on lance

Hypothèse de travail :

Ghjacaru pourrait venir de l’adjectif latin jaculus apposé au mot canis, qui avec le temps serait tombé, senti comme une redondance.
Le sens de l’expression serait celui-ci :
Canis jaculus = chien que l’on jette en avant, qu’on lance à la poursuite d’une proie, chien de chasse.

Canem jàculum
Cane jàculu par amuissement de la désinence
(Cane) jàclu par amuissement de la brève (cas des proparoxytons)
(Cane) giàclu
(Cane) ghjàclu
(Cane) ghjàcalu par épenthèse vocalique
(Cane) ghjàgalu par sonorisation intervocalique
(Cane) ghjàgaru par rhotacisme intervocalique

Qu'en dites-vous?
Bonne nuit,
François


Dernière édition par François Durazzo le Sam 5 Avr - 14:45, édité 1 fois

François Durazzo

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Durazzo et Tavera Empty Jacet canis

Message  nicurosu Sam 5 Avr - 0:26

Cher François Michel,
Les deux pistes pour ghjacaru, la persane et la latine, sont séduisantes.
J'en cite une troisième ,proposée par Antoine Ottavi:
le germanique Jägerhund (chien de chasse), sans qu'il en ait précisé le cheminement de Germanie en Corse.

Certes, d'autres mots d'origine germanique, tels wastil (>vastedda= miche de pain) et wald (valdu= forêt) ont été introduits en Corse par la toscanisation, d'après la linguiste Dalbera-Stefanaggi.

La romanisation est, de toutes les occupations qu'a connues l'île, celle qui a le plus influé la langue; c'est pourquoi il faut privilégier, en effet, l'apport latin, comme vous le suggérez.

Pour la période antérieure, la référence à l'ibère est sans doute liée au fait que pendant longtemps on a pensé que le mégalithisme corse était d'origine celte et que l'Espagne en aurait été un relais.

Depuis qu'il est admis que nos Mégalithiques sont venus du Proche Orient avec étapes en Adriatique et en Sicile, les influences lévantines sont sûrement à davantage considérer.

Tavera nous a emmenés bien loin!
Nicurosu

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Durazzo et Tavera Empty Etymologies

Message  François Durazzo Sam 5 Avr - 14:44

Cher Nicurosu,
1) La piste Jägerhund est évidemment à mon avis impossible, parce qu'elle n'a pas laissé de trace à ma connaissance en latin tardif et que les mots germaniques du corse, sont tous arrivés par la latin ou par le toscan, comme vous le rappelez.
Ce qu'elle a d'intéressant c'est que jaculus canis en est le calque exact. D'ailleurs serait donc plus facile d'expliquer ghjacaru à partir de jaculum canem que de canem jaculum.
2) Je ne comprends pas l'étymologie de vastedda. Je connais le verbe guastà : dépenser, chez nous vastà, qui vient du latin vastare, dévaster, et j'étais convaincu qu'une vastedda, c'était ce qu'on avait défait du pain. L'étymologie allemande dont vous faites état n'étant pas attestée en italien, je la trouve pour le moins étonnante.
3) Quant au mot valdu, cette fois il n'y a pas de discussion, valdu est bien attesté en bas latin et est bien d'origine germanique.
Je crois que nous avons ce genre de discussion, entre étymologistes amateurs, parce que les études corses sont encore récentes et que les recherches, y compris de gens sérieux comme la linguiste que vous citez ne s'appuient ni sur une tradition philologique suffisante, ni sur de nombreux témoignages scientifiques.
Voici un exemple de pages fantaisistes dont nous sommes les spécialistes et où le juste côtoie le faux : http://www.l-invitu.net/lingua.htm
Misère de la tradition orale !
Bonne journée !
François

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Durazzo et Tavera Empty Fà un taddu di mezu!

Message  nicurosu Dim 6 Avr - 20:43

Cher François -Michel,

1/ Nonobstant la question de l'accentuation, ne pourrait-on supposer une origine commune à GHJACARU et à JÄGERHUND? Une manière di fà un taddu di mezu!

2/ A propos de VASTEDDA, j'ai retrouvé en ancien allemand: WASTËL qui signifie "gâteau".

- Dans le Cismonti, BASTELLA (le bétacisme: B pour V) désigne une sorte de chausson de pâte à pain, fourré de légumes (oignons, blettes, ...);

- Chez nous , VASTEDDA désigne un pain de forme ronde, moins blanc mais plus souple que le traditionnel "fendu", et dont la croûte est grisâtre et plus farineuse.

C'est une occasion de revenir sur une pratique campomoraise qui a eu cours jusqu'au tout début des années 1950:
Le village et le hameau des Caseddi comptaient chacun quatre fours, dont une minorité était utilisée par une seule famille. Les autres étaient utilisés à tour de rôle, chaque semaine.
Je prends l'exemple du four qui était situé derrière l'immeuble du café du Golfe, dont il était une dépendance; il était aussi pratiqué par les quatre familles habitant U CASONU - aujourd'hui, immeuble de "La Mouette".

Chaque famille fabriquait à jour fixe le pain pour la semaine. C'était le "fendu", dont une partie était biscuite (PANI BISCOTTU). Mais, pour le jour même, on faisait cuire un petit nombre de VASTEDDI. J'ignore le mode de fabrication de cette spécialité: se diférenciait-elle par la composition , le mode de pétrir ou de cuisson?
Ghjatonnu le sait peut-être, ou Mariuccia, mais a sô Cummari Salina est, si j'ai bien compris, en cure ...
En tout cas pour accompagner u prisutu di Quenza et, surtout, u brocciu passu di Micheli o di Carul'Antonu, rien ne valait A VASTEDDA!
Tout au long de la semaine, il suffisait de soulever u cupàrchjulu di a mèda pour se délecter de l'odeur dominante de A VASTEDDA.
Je précise, pour finir, que chaque enfant avait droit à son PANUCCIU, fait de la même pâte, en forme de deux carrés décalés.

3/ J'ai découvert avec plaisir le site "l-invitu". Des incertitudes et des erreurs, certes. Mais j'ai cru comprendre que son initiateur est ouvert aux corrections et améliorations.
J'ai surtout apprécié son respect de la diversité des parlers de l'île, excluant toute référence à une prétendue langue ancestrale que telle ou telle communauté aurait dénaturée.
En moins de trente ans, que de progrès de ce point de vue: qu'on se rappelle les prescriptions d'un Yvia-Croce, par ailleurs remarquable historien de la littérature insulaire.
Il nous engageait à avoir "la délicatesse d'écrire U NOSTRU, U VOSTRU, fâcheusement écrasés (par nous) en U NOSCIU, U VOSTRU."
Il condamnait notre "aversion articulatoire our le E final, qu'on applatit en I" et "le pluriel masculin en A si particulier." Il lui avait échappé qu'on "applatit" en I tout E non accentué, et,quant au pluriel en A, que c'est peut-être la réminiscence de sept siècles de latinité.
Enfin, il était disposé à nous pardonner ce I et ce A à condition de "cesser de représenter par ... DD ... le LL doublé et le GL mouillé traditionnels." Pour ce qui est de l'ancienneté de la tradition, ce DD "cacuminal", que l'on retrouve en Italie du Sud et en Sicile, date d'avant la romanisation!
On peut sourire à l'idée qu'en ce domaine aussi, il nous était proposé de fà un taddu (et non tagliu) di mezu.
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Durazzo et Tavera Empty Etymologies

Message  François Durazzo Dim 6 Avr - 23:00

Cher Nicurosu,
Bien sûr, dans la sphère indo-européenne, on trouve des racines communes, le latin vastare, correspond à l'anglais to waste et vastil est peut-être de même étymologie. Comme je l'ai déjà dit, je répugne pour ma part à aller chercher hors du latin, ou au moins du latin tardif l'origine de mots, avant d'avoir épuisé toutes les possibilités.
Merci pour ces explications sur la vastedda, que je rattache à "vastare" = gâcher, à moins qu'il s'agisse étymologiquement de "bastella", qui voudrait dire "juste ce qu'il faut" et qui irait bien avec l'explication que vous donner. Bastà vient du latin bastare qui vient du grec.
Pourquoi appelle-t-on ce pain de cette manière. Si vous ne le savez pas non plus, il faudra attendre l'avis de Ghjattonu o de Nimu.
Je connais ces commentaires d'Yvia Croce, en préface de sa grammaire. C'est plus amusant qu'autre chose. Ils s'inscrivent dans le mythe de la langue pure. La préface du dictionnaire de Ceccaldi va dans le même sens.
Amicizia
François

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Durazzo et Tavera Empty A indizii, si và à Roma...

Message  nicurosu Mar 8 Avr - 11:32

Cher François-Michel,

Dans l'insoutenable attente de la divulgation du secret de fabrication de la VASTEDDA, j'ai découvert qu'Alain Rey s'offre comme guide sur le chemin de Rome:

Pour lui, "gâteau" est issu d'un latin populaire °WASTELLUM, avec le sens "nourriture".

En adoptant le sens dérivé de "gâter" (VASTARE), que l'on retrouve dans "gâterie" (petit cadeau, fantaisie), VASTEDDA pourrait tout bonnement signifier ce plaisir gustatif que la famille s'offrait le jour où elle enfournait a sô tacca.
Nicurosu

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Durazzo et Tavera Empty Culà manghjani vastédda

Message  salina Mer 7 Mai - 22:16

Bonsoir,
Je me demande, et je ne suis pas la seule, si Nicurosu ne cofond pas VASTEDDA et SCIACCATA (à la mie blanche), laquelle était mangée le jour de la fournée.
La VASTEDDA était mangée dans le premiers jours; je crois me rappeler qu'elle était faite avec de la farine de blé non tamisée fin; elle contenait donc du son ( U BRENNU) et pour cette raison sa mie était moins blanche.

La petite fille de ma complice m'a appris que le dictionnaire du U Muntesi donne cette définition:
BASTELLA ( comme on dit inni parti di cualandi: Basguale Baoli): fouace à la pâte molle et tendre, destinée à être consommée peu après sa sortie du four afin de donner le temps au pain trop brûlant de se refroidir. Ce qui correspondrai à ce que dit Nicurosu mais que, moi j'appelle SCIACCATA.
Le dictionnaire précise que dans le Niolu, il est question de BASTELLE DI RIPARU et A FARINA RIPARINA étant la farine complète, c'est à dire contenant du son (ce qui va dans mon sens).

Il est quand même risqué d'aller chercher ailleurs que chez soi la défintion d'un mot.
Le même mot peut avoir des sens totalement différents d'une région à l'autre. Prenez MATTONU: chez nous c'est la tuile, au Nord c'est la brique.
J'ai mis mon grain de sel, mais je suis loin d'avoir vraiment clarifié la question.
Salina

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