Un personnage de roman appelé Campomoro

Bonjour,
Savez-vous que Campomoro a inspiré la littérature romantique?

Charles Didier (1805-1864) est un écrivain dont l’œuvre a été oubliée. Grand voyageur, ami de Liszt et de Berlioz, amant malheureux de George Sand, il consacra plusieurs ouvrages à l’Italie et quelques pages à la Corse. Son écriture, son sens de l’observation font merveille. Il est tout à fait représentatif de cette génération de romantiques, comme Stendhal, Mérimée et Chateaubriand, passionés de voyages, et en quête de caractères trempés.

Dans son roman intitulé Chavornay, il imagine une jeune femme aimée de deux hommes : un certain Chavornay né dans les Alpes d'une famille pauvre et le comte Campomoro, un « Corse sinistre », aux passions violentes, comme l'a appelé la critique de l'époque. Charles Didier, qui fréquentait le salon de la comtesse Pauline de Bradi, et avait lu ses ouvrages sur la Corse, avait été poussé par elle à visiter notre région. Après un voyage à Sartène et une excusrion à Campomoro, il avait jugé que notre imposante tour était propre à forger l'âme de ce sombre héros. Son roman, une sorte de Madame Bovary avant la lettre, n'en a certes pas la finesse psychologique, ni l'humpur, mais il est remarquablement écrit.
Soulignons aussi qu'il a eu un retentissement énorme et qu'on le considère comme l'un des premiers best-sellers de la littérature européenne. Ce succès a suscité de nombreux articles élogieux, mais aussi quelques jalousies et plusieurs articles féroces dont voici un exemple :

Gaspard Cherbuliez a assasiné ce roman dans son Bulletin littéraire et scientifique:

"Chavornay ne saurait êtге mis sur la même ligue que le roman précédent. M. Charles Didier connaît sa langue et sait s'en servir. Cependant sa nouvelle publication ne nous a point paru mériter une analyse bien détaillée. C'est une de ces prétentieuses peintures du coeur humain comme on en a déjà tant fait depuis quelques années. Il n'y manque ni la femme victime, ni le mari qui ne la comprend pas, ni l'amant qui sympathise avec toutes ses moindres pensées, ni le persécuteur qui en fait le but de ses brutales passions. Ce sont les personnages de rigueur; et, pour sortir de la voie commune, M. Didier, a fait le mari très supportable, la femme très vertueuse, l'amant très scrupuleux, et le persécuteur très maladroit. Il en résulte que tout se passe en amour platonique sans que l’honneur de monsieur en souffre, quoiqu'il semble prendre plaisir à exposer madame à la tentation. Mais cela n'empêche pas qu'il se trouve maintes scènes assez voluptueuses semées le long du récit ; et c'est un défaut qui prouve combien peu l'auteur a observé ce qu'il voulait décrire. Chez la femme l'amour vertueux fuit les occasions, il sait qu'on ne joue pas impunément avec le feu. Des passions aussi violentes que celle de Chavornay ne sont guère platoniques lorsque surtout elles rencontrent une sympathie aussi vive que celle d'une femme qui, en l'absence de son mari, fait renouveler tout l'ameublement de sa chambre à coucher pour y recevoir sou amant. M. Didier s'est fourvoyé dans une mauvaise conte, et il a d'autant plus tort que rien n'est moins intéressant que ces longues passions délayées en deux gros volumes sans que le charme des détails vienne racheter l'ennui de ces conversations d'amants qui occupent toute la place. Un style comme celui de Georges Sand, et la hardiesse des sophismes que cet audacieux esprit ne craint pas d'entasser, peuvent seuls faire le succès de romans semblables. Otez ce vernis brillant, il ne reste plus qu'exagération prétentieuse et fausse."