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De Naples à Campomoro, à bord du Fortunello

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De Naples à Campomoro, à bord du Fortunello Empty De Naples à Campomoro, à bord du Fortunello

Message  salina Lun 31 Mar - 18:13

Dans le texte reproduit ci-dessous, il est question du Lamparo , mais surtout du FORTUNELLO – U FURTUNEDDU - la barque qu’avait ramenée de Naples, dans les années 20, le grand-père d’Eugène, Paulu SIMONPIETRI, dit Cicciu, que nous appelions affectueusement Zi Pà.
Cette barque qui, des décennies durant, sillonna la mer de notre baie à Capu di Muru, était en quelque sorte, par ses dimensions et la compétence incontestée de son patron, le navire-amiral de la flotte de pêche campomoraise. Sa ligne effilée la distinguait des autres barques construites sur le modèle du « pointu » marseillais. Même après l’adoption de la propulsion à moteur, lorsqu’au retour de la pêche le terrible vent d’est (u livanti) s’était levé, Zi Pà mettait à la voile pour entrer dans la baie, en tirant des bords que nous comptions du rivage, avec une admiration teintée d’inquiétude.
Il avait conté sa traversée de Naples à Campomoro à son proche ami écrivain, qui l’a immortalisée dans le texte qui suit et dans lequel Zi Pà est nommé Paolo.


« Autrefois, les corailleurs de Naples pêchaient le corail dans le golfe de Valinco. Leur nombreuse flottille s’abritait et se reposait dans la baie de Campomoro. Mon enfance rêveuse était éprise de toutes ces voiles latines, les coraline, essaimées sur le bleu des eaux, où leur bancheur se reflétait. …
Le commerce du corail cessa de prospérer, et les corailleurs ne revinrent plus en Corse. Mais les Napolitains n’oublient pas ce coin charmant de Campomoro.
Ils pêchent aujourd’hui les langoustes, le thon, toutes sortes de poissons.
Regardez-les assis sur la grève, occupés à raccommoder ce long filet, couleur de rouille, qu’ils appellent le lamparo. C’est Paolo, un brave pêcheur campomorais, qui est allé l’acheter à Ischia d’où il est revenu à bord du Fortunello, cette barque blanche que balance à peine devant nous la vague qui lèche le sable. Il m’a raconté ce voyage. Je vais vous le dire à mon tour, tellement il fleure la vie marine.
A une heure du matin, au mois d’août, par une mer tranquille, sous une lune brillante, le Fortunello vogue vers l’île de Ponzo où il arrive le lendemain. On y fait une escale de deux jours. Puis, l’on s’abandonne au large, à l’infini. Le Fortunello n’est qu’un tout petit point blanc sur l’immensité de la mer, sous l’immensité du ciel. Il fait bon. L’été méditerranéen n’est que délices. L’onde est si claire qu’on peut voir des fonds merveilleux, un mystérieuse végétation sous-marine. Le vent est favorable. De côté et d’autre du Fortunello, un léger sillon d’écume bruit. Les Napolitains, qui s’éloignent de plus en plus de leur patrie, chantent une barcarolle d’une voix traînante et nostalgique, tandis que la barque, voile gonflée, insouciante et souple, semble heureuse de s’en aller à l’aventure. Elle traîne une ligne… Soudain, celle-ci est fortement secouée par un gros poisson qui mord. Mais brusquement une grande gueule apparaît, se referme. Le Fortunello chavire presque. Un requin vient d’avaler le poisson en coupant la ligne. Il nage non loin, et sa queue fait bouillonner l’eau comme une hélice… Le marin déteste le squale et le craint.. Frédol raconte que l’on a trouvé dans le ventre d’un requin un matelot habillé et deux thons.
Plus inoffensive est la rencontre des marsouins. Quelques uns, stimulés par la course du Fortunello, le laissent loin derrière eux, car le marsouin est un nageur rapide, harmonieux, infatigable. Ils chassent des bandes de dorades, d’une agilité incomparable, lesquelles poursuivent des exocets dont les nageoires sont des ailes. Serré de près l’exocet vole ; mais aussitôt quelque frégate-pélican, qui plane aux aguets, fond sur lui, s’en empare, l’emporte dans les airs, l’avale s’il peut, ou le mâchonne s’il est trop gros. Souvent, l’oiseau-corsaire est lui-même assailli par d’autres qui veulent lui arracher sa proie. Alors, il y a bataille. Et quel regret pour les pêcheurs du Fortunello de n’avoir pas un fusil à bord !
Le lendemain, vers le soir, l’air sommeillait, et la barque, sans souffle dans sa voile, était prisonnière du calme plat. On sortit alors les avirons. On allait se mettre à ramer vigoureusement quand le patron cria : « Une tortue à droite ! » Tous se dressèrent. Immobile à fleur d’eau, elle dormait. Sa carapace, glacée, verdâtre, çà et là marbrée, émergeant, paraissait sur le bleu limpide une curieuse marqueterie. On voyait ses pattes de devant qui ressemblaient à des ailes ; celles de derrière et sa queue plongeaient en entier presque. Sa tête cornée, au bec redoutable, qui coupe comme un sécateur, s’allongeait hors de la carapace. La barque, doucement, à légers coups d’aviron, s’approcha du reptile qui avait plus d’un mètre de long. Deux Napolitains aux muscles puissants, se penchèrent pour prendre chacun une patte du même côté et hop ! voici la tortue retournée sur le dos, bien réveillée maintenant, mais incapable de fuir dans une telle position. Sa tête, tantôt rentrait dans la carapace et tantôt se dressait en courbe, tandis que ses pattes, hors de l’eau, s’agitaient en vain. On en ligota deux pour la tirer dans la barque. Avec sa chair nos pêcheurs firent des plats au macaroni délicieux.
Il fallut ramer toute la nuit. A pointe d’aube, une brise carabinée, comme disent les marins, se leva. Alors, le Fortunello, se mit à courir avec des alternatives de roulis et de tangage. Il courait, parfois, comme un fou, et tellement que, la nuit venue, il avait parcouru 72 milles.
C’est ainsi que, le sixième jour, au crépuscule, il parvint au rocher de Mortognio, entre le phare de Taolaro et celui de Capoferro, sur la côte sarde. Il y passa la nuit ; mais, le matin, un mistral frais soufflait. On louvoya pour passer le détroit de Bonifacio. Puis, le libeccio chassa le mistral. Par une mer démontée une vague happait le Fortunello pour le déposer sur la cime d’une autre qui s’écroulait en abîme. Mais Santa Térésa n’était pas loin. Il s’y réfugia. Quand vint l’accalmie, il gagna les côtes de la Corse, et, neuf jours après son départ de Naples, il entrait dans la baie de Campomoro . »


Extrait de : Lorenzi de Bradi
LA CORSE INCONNUE
PAYOT, PARIS - 1928

salina

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De Naples à Campomoro, à bord du Fortunello Empty Attention aux droits d'auteur !

Message  François Durazzo Jeu 3 Avr - 10:47

Bonjour,
Une petite remarque préalable, car la citation mise en ligne est à la limite de ce que permet le droit :
MLDB étant mort en 1945, ses droits d'auteur appartiennent à ses héritiers jusqu'à 2015. Après ses oeuvres seront dans le domaine public. En attendant le droit de citation est admis si
1) l'oeuvre a été divulguée.
2) les extraits de textes sont courts (la jurisprudence en la matière admet un maximum de 15 lignes sur 100 pour les articles, et pour une page maximum pour les ouvrages littéraires)
3) les extraits ont une destination didactique claire.
4) l'origine (éditeur, date, lieu), l'auteur... sont toujours dûment cités.
5) la citation ne doit pas porter atteinte au droit moral.
6) la citation ne doit pas dissuader l'utilisateur de consulter l'oeuvre citée.
Dans le cas présent, si par exemple un autre internaute postait une nouvelle page de notre auteur, le webmaster devrait en répondre, ou demander préalablement aux ayant droit (Michel et Anne-Louise) une autorisation écrite.

Je passe à présent au commentaire rapide de ce passage : C'est un très bel exemple du savoir-faire de MLDB, un style clair, efficace, expressif, direct, nerveux, somme toute assez moderne. MLDB doit la vivacité de son style à sa formation de journaliste et aussi à la clarté et à la précision de sa pensée.
C'est dans l'évocation des paysages et de ces caractères trempés qu'il excelle.
Le reste de son oeuvre, concernant l'histoire (Napoléon, Colomba, Jeanne d'Arc) ainsi que certaines de ses prises de position aujourd’hui datées, ont malheureusement éclipsé le conteur qu'il fut et c'est bien dommage. Ses veillées (bien meilleures à mon sens que sa poésie) sont une merveille. Dans la Corse inconnue, il y a de magnifiques descriptions, notamment dans le chapitre intitulé la Mer qui comporte une partie nommée Campomoro.
Si vous n'avaez pas ce livre, je vous invite à vous le procurer sur un site de livres d'occasion.
François

François Durazzo

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